Alicia ALLION – Kinésithérapeute

Introduction

Lors d’un bilan en Restauration Somato-Psychique (RSP), quand l’élément métal, élément de l’expression, ressort majoritairement, nous sommes amenés à conseiller aux patients d’écrire une lettre. Ce travail d’écriture est un exercice qui peut paraître simple et « vieux comme le monde », mais, pourtant, ce n’est que dans les années 1980 qu’il sera réellement exploité et étudié en thérapie cognitive. On parle aujourd’hui de travail d’écriture expressive ou de confession émotionnelle.

De nombreuses recherches ont permis de mettre en évidence tous les bienfaits physiques et psychiques de cet exercice et ont poussé les chercheurs en sciences cognitives à mieux comprendre les mécanismes induits par ce travail d’écriture.

Grâce à l’écriture de ce mémoire et mes recherches, j’ai ainsi pu établir une fiche technique à donner aux patients, afin de les aider au mieux dans le travail d’écriture et optimiser le travail vibratoire de la RSP.

Dans mon activité professionnelle de RSP mise en place depuis quelques mois, j’ai pu observer les effets positifs sur les patients qui ont eu à faire cet exercice, et dans ma vie personnelle, j’ai également pu expérimenter les bénéfices de l’écriture expressive ; je terminerai mon exposé sur ces quelques confessions.

  1. – Approches cognitives

  1. Histoire de l’écriture expressive

Les premiers à avoir étudié la relation entre la cognition et la rédaction de textes sont Hayes et Flowers, mais c’est James W. Pennebaker, professeur de psychologie universitaire du Texas, qui est reconnu aujourd’hui comme le fondateur de l’écriture expressive.

En effet, dans les années 80, il a mis en évidence le fait que l’écriture avait des effets sur l’état émotionnel et affectif du rédacteur. Pour cela, il a fait l’expérience sur deux groupes d’individus : le premier avait pour consigne d’écrire pendant 20 minutes sur un sujet banal, alors que le second devait rédiger un texte racontant un de leurs plus grands traumatismes vécus. Le premier s’est retrouvé inchangé, alors que le second a vu sa santé physique et psychologique s’améliorer. (Cf. Annexe 1)

L’écriture expressive confirme alors le caractère thérapeutique de l’écriture.

Hayes viendra par la suite s’appuyer sur cette étude pour démontrer qu’écrire sur un événement vécu et négatif a des conséquences affectives importantes. Il emploiera l’écriture expressive pour réduire le stress de personnes au chômage ou d’étudiants entrant à l’université. Il va jusqu’à montrer que l’autosatisfaction de soi sur nos performances peut entrainer des conséquences sur l’attrait ou non à écrire et sur le temps à y avoir attrait. Les facteurs environnementaux, motivationnels et émotionnels vont donc influencer l’activité rédactionnelle.

Kellogg, en 1996, prouvera que l’écriture est une activité engageante et fortement coûteuse en ressources attentionnelles. La capacité à exprimer ses émotions par des mots peut s’avérer difficile pour bon nombre de personnes : difficulté à identifier une émotion (les sensations physiques et le champ lexical sont en jeu), à la différencier, à l’exprimer puis, à la communiquer ensuite.

Il s’en suivra de nombreuses études, afin de comparer l’écriture avec un stylo ou avec un ordinateur, les conséquences du travail d’écriture chez la femme et chez l’homme, ainsi que sur de nombreuses pathologies (asthme, cancer, VIH, mucoviscidose, rhumatismes articulaires…). Pennebaker ira même jusqu’à démontrer, en 2007, que selon les mots utilisés dans l’écriture expressive, il est possible de prédire l’état de santé physique et psychique du patient.

b) Impact de la confession émotionnelle

Bénéfices physiologiques :

– Renforcement du système immunitaire (Pennebaker, 1988), avec augmentation des CD4+ (1994) et des Lymphocytes T Killer (1996) – Amélioration des fonctions physiologiques, notamment avec une nette amélioration de la fonction pulmonaire chez les asthmatiques après description de leur expérience la plus stressante (Smyth, 1999) – Évolution positive des cancers (Mann 2001) – Meilleur rétablissement des personnes âgées en service de gériatrie (Gidron, 2002) – Meilleur rétablissement post opératoire (Solano, 2003) – Réduction des troubles du sommeil (Harvey et Farrel, 2003) – Baisse de la charge virale du VIH (Pennebaker, 2004) – Baisse de la douleur et de la fatigue chez les patients atteints de fibromyalgie (Broderick, 2005) – Diminution de la tension artérielle (Beckwith, 2005)

Bénéfices psychologiques et cognitifs :

– Affaiblissement des ruminations et pensées intrusives (Pennebaker, 1993) – Conséquences positives sur l’humeur et l’état affectif (Mann, 2001) – Amélioration de la mémoire de travail et du fonctionnement cognitif (Klein et Boals, 2001) – Diminution du stress associé aux traumas et du syndrome de stress post traumatique (Brown et Heimberg, 2001) – Amélioration des capacités mnésiques, langagières et du raisonnement chez les personnes de 75 ans et plus (Klein, 2001) – Amélioration de l’anxiété sociale, de la dysphorie (changement d’humeur) et symptômes physiques chez les femmes victimes de viols ou violences conjugales (Brown, 2001 / Koopman, 2005) – Amélioration de la conscience de soi après 1 mois d’écriture (Moore, 2004) – Amélioration des stratégies d’évitement (Moore, 2004)  – Amélioration des syndromes anxiodépressifs (Koopman, 2005) – Réduction de la consommation de tabac (Ames, 2007)

Bénéfices en qualité de vie et en intégration sociale :

– Diminution de l’absentéisme au travail (Pennebaker, 1992) – Retour rapide à l’emploi après la perte d’un travail (Spera, 1994) – Amélioration de l’insertion scolaire et des résultats (Pennebaker, 1996) – Amélioration des performances sportives (Scott, 2003)

Bénéfices économiques et sanitaires :

– Diminution des consultations médicales (King et Minner 2000) – Diminution du temps d’hospitalisation (Taylor, 2003)

c) Mécanismes induits par la confession émotionnelle

A la fin de sa première étude, dans les années 80, Pennebaker parlait de « catharsis émotionnel ». Pour lui, parler de ses émotions permet « de se décharger, de se libérer de la charge affective qu’elles engendrent ». Il écartera de lui-même cette thèse très rapidement pour poursuivre ses recherches.

Entre 1989 et 1997, il a démontré qu’un sujet, face à événement négatif, fait en sorte d’inhiber ses pensées, sentiments et comportements associés pour préserver ses activités intellectuelles et affectives. Et c’est justement cette inhibition qui devient douloureuse à long terme, car elle s’apparente à un stresseur et exacerbe les processus psychosomatiques qui conduisent aux différentes maladies décelables.

Le processus d’écriture expressive va lui désinhiber la rétention des pensées et sentiments en déclenchant des stratégies de contrôle de l’humeur. Ainsi, en écrivant, on comprend et assimile l’événement, et cela finit par annuler le processus d’inhibition initiale.

Frattaroli, en 2006, conclura dans ses études qu’il est « essentiel » d’exposer par la confession émotionnelle les traumas inhibés depuis longtemps.

En parallèle, en racontant un événement non désiré telle qu’une détresse / angoisse, cela permet à la personne de le mettre en lumière. Elle va devenir logique dans sa narration et donc s’approprier l’événement négatif et restructurer ses représentations mentales en un schéma personnel plus supportable. En écrivant, elle va alors prendre possession de son monde intime abîmé par l’événement non désiré. Ainsi cette compréhension va permettre une réduction de l’inhibition et l’activité de rumination, et va contribuer à la diminution de l’activité physiologique associée.

Fontennelle, en 2015, confirmera dans la revue « Dialogues in clinical neurosciences » (revue médicale couvrant la neurologie et la neuropsychiatrie clinique), à la différence de la parole, le travail d’écriture, par la recherche des mots et des images, va entraîner l’agencement des idées et aider à la maîtrise des émotions.

A cela s’ajoute, que lors d’un traumatisme, la gestion du soi est perturbée, les représentations et croyances transformées. Avec ce travail d’écriture expressive, les ressentis positifs vont renforcer cette gestion et aboutir à une meilleure régulation et à une meilleure humeur de la personne (King, 2002). La conclusion est que mettre en mots ses sentiments favorise une conscience, une acceptation, une intégration de ses émotions au sein de la représentation que la personne a d’elle-même. C’est ainsi que l’écriture expressive va permettre la maîtrise du concept de soi et favoriser la construction d’un soi positif.

La répétition de sessions d’écriture va également favoriser une désensibilisation des émotions de mal-être provoquées par un événement négatif. A force de faire face aux stresseurs, un système d’habituation va se mettre en place jusqu’à ce que le sujet soit désensibilisé et donc libéré. Une diminution des réponses physiologiques et des pensées intrusives a donc pu être observée (Sloan, 2004 / Lenore, 1997).

Nous savons que les pensées intrusives exploitent des ressources attentionnelles au détriment des autres activités intellectuelles, et que l’évitement par inhibition est également coûteux sur le plan des capacités. Il a donc été démontré que le travail d’expression va permettre d’organiser le flot des pensées de façon plus cohérente et les structures de souvenirs nouvellement organisées ne seront plus autant en compétition avec les ressources de mémoire de travail. Nous pourrons alors observer une amélioration de la capacité de mémoire de travail et diminution des pensées intrusives et une évolution positive sur la santé, (Klein, 2002).

II/ L’écriture dans le travail de Restauration Somato-Psychique

  1. Qui peut ou doit écrire ?

Techniquement, dès qu’une personne sait écrire, elle peut pratiquer l’écriture expressive. Ainsi tout le monde peut le faire. En pratique et pour un réel résultat, cet exercice est à prescrire seulement aux personnes qui se sentent capables de le faire. Comme appris lors de la formation RSP, il s’agit d’une « invitation à écrire ».

Hommes / Femmes : mêmes résultats ? Smith en 1998, a démontré que les femmes étaient plus sensibles aux effets de l’écriture expressive et étaient plus volontaires que les hommes à le faire. Pennebaker, en 2007, reviendra sur ces résultats indiquant que les résultats sont similaires chez la femme comme chez l’homme ; seul le travail différera chez la femme par l’utilisation plus fréquente de référents externes (cadre culturel, croyances…).

Cependant, cet exercice sera à proscrire chez les personnes psychotiques (avec délires chroniques) qui ont tendance à remplir des cahiers de notes, informations, … de toutes les couleurs, avec des dessins explicatifs parfois. Il s’agit pour eux de réelles œuvres d’art. Cet écrit ne permet pas aux psychotiques de prendre de la distance sur les événements, les récits… En effet, en écrivant, ils vont donner matière à leurs histoires, et donc à leurs délires : « C’est vrai puisque c’est écrit. ». Ils seront même sécurisés lorsqu’un autre acceptera de lire ses pages, ils vont ainsi socialiser leurs délires. Il va certes, se sentir mieux à la suite de ce travail mais ce ne sera pas un travail de résilience, mais seulement une matérialisation de son délire. (Cyrulnik, La nuit, j’écrirai des soleils, 2019)

« À tout moment. A tout événement difficile de la vie. Dès que l’on se sent prêt et que l’envie se fait sentir. »

Seulement, ce n’est pas si évident que cela y parait. Dans de nombreuses études (Jahode, 1981/ Boice, 1982 / Petzel et Wenzel, 1993), il a été observé de réelles difficultés à écrire. Ces difficultés sont liées à la procrastination, l’anxiété, la souffrance, le manque de motivation et l’estime de soi. Cela peut aller du simple rejet émotionnel à une véritable détresse. Il s’agit de 8 personnes qui « se jugent et jugent leur texte durement », (Johnson, Madigen, Linton, 1996). Il y aurait donc un travail d’estime de soi à faire auparavant.

Voici quelques freins que nous pouvons rencontrer avant de débuter un travail d’écriture expressive :

– Appréhension : « l’écriture c’est dur et exigeant », – Procrastination : évitement ou attente prolongée, « j’y arriverai mieux quand j’aurais fini de lire ce livre », ou alors « après cette promenade, j’aurais la tête plus libre », – Dysphorie : état anxieux, panique, « rien qu’à l’idée d’écrire j’ai la nausée », – Impatience : vouloir faire plus de choses dans un délai bref, « je n’ai fait que cela en 1h », – Perfectionnisme : autocritique qui n’autorise aucune erreur ni imperfection, « je ne suis pas bon dans les détails », – Anxiété de l’évaluation : peur de la désapprobation et du rejet, « ils vont se dire que c’est nul et que je suis idiot », – Les règles : croyance que l’écriture efficace est spontanée, forcément originale et brillante, « ce que je vais écrire a déjà été écrit, quel intérêt ? ».

Nous entendrons peut-être certains patients relatés ces freins et nous savons que cette appréhension est directement liée à l’estime de soi (Daly et Wilson, 1983) et sera d’autant plus importante quand il s’agit d’écrire sur soi, ses émotions et ses sentiments. Peut-être que ce temps d’écriture se fera après avoir travaillé sur d’autres éléments chinois, au travers des bilans RSP suivants (comme cela fut le cas pour moi).

Le patient devra donc écrire non sur commande, mais avec besoin et envie, et sans précipitation. Cela confirme ce que dit André Perceval, il s’agit d’une « invitation à l’écriture ».

Pour déclencher un facteur de résilience, « cela ne doit pas être un rapport de police », mais doit envisager des détails vrais ou faux, des émotions, des sentiments, et des sensations. (Cyrulnik, 2019). Ce travail peut prendre la forme d’un journal intime ou journal thérapeutique, d’un livre, d’une lettre non envoyée, de poème…

De plus, comme vu en première partie, plus le vocabulaire sera large, meilleurs seront les résultats (Kellogs, Pennebaker). Il conviendrait donc de donner aux patients des listes de 9 vocabulaire lors de la première invitation à l’écriture expressive, afin de les gudier, d’optimiser au mieux ce travail et d’obtenir une libération émotionnelle la plus complète possible (Cf. Annexes 2- 3-4)

Par ailleurs, il est conseillé d’écrire sur les traumas, plutôt que les événements heureux. Il a été montré qu’écrire sur les événements heureux, notamment chez des optimistes, engendraient des effets plus négatifs que positifs (Pennebaker). Du fait de la mise à distance, la personne ne percevra plus autant cet événement heureux aussi heureux. En somme, laissons nos petits bonheurs tranquilles.

Lors de différentes expériences, les résultats montraient que le stylo avait un meilleur impact sur les plans physiques et psychiques. Pour certains thérapeutes comme Horowitz, écrire à la main permettrait également un meilleur engagement dans le travail d’écriture et les gestes automatiques de l’écriture à la main libéreraient davantage les esprits.

En 2004, tout ceci a été remis en cause par Pennbaker : selon lui, les résultats sont les mêmes sur un ordinateur, avec un stylo ou même à l’oral. Il est bien démontré qu’écrire sous toutes ses formes a un impact plus important que la simple pensée (Lyobowinsky, Sousa, Dickerhoof, 2006).

Donc, il en revient à chaque patient de choisir son outil privilégié.

Plusieurs expériences ont été menées où les patients devaient écrire 3 fois 15 minutes sur 1 jour, ou sur 3 jours ou sur 3 mois. Les résultats n’ont démontré aucune différence. Mais :

– en 1998, Smyth a prouvé que plus l’intervalle entre 2 écritures est long, plus les effets positifs sur la santé sont importants. – en 2008, Burton et King ont démontré que le temps d’écriture n’a pas non plus de conséquence sur les bienfaits physiques et physiques.

Donc le temps et la cadence n’ont pas de dosage, ni de recette. Aucune règle n’a été établi et les résultats peuvent apparaître entre quelques heures et quelques mois.

Seulement, nous savons que le traitement de l’information traumatique passe par 3 stades :

– le traitement par le cerveau reptilien : « je vis ou je meurs ». Les écrits exprimeront vivement les colères, peurs, émotions primaires …  – le traitement par le cerveau limbique : « Moi ». En passant par le « je », nos émotions, ressentis et sentiments sont mieux exprimés et nous cherchons à excuser / justifier nos actes ou ceux des autres. – le traitement par le cerveau frontal: « la raison ». L’écriture deviendra plus raisonnée et la mise à distance sera d’autant plus importante.

Ainsi, lorsque le patient exprime des ressentiments vis à vis d’une autre personne, il sera plus judicieux de l’inciter à écrire trois fois, avec le temps qu’il choisira entre chaque, afin d’obtenir de meilleurs résultats et une libération émotionnelle optimale.

De nombreux thérapeutes conseillent d’écrire dans un endroit calme de préférence et de faire quelques minutes de respiration/ méditation/ relaxation/ de recentrage auparavant afin de limiter les pensées parasites qui pourraient limiter le travail d’écriture. Certains conseillent aussi, quand le besoin est nécessaire, d’écrire face à une photographie de la personne avec qui l’on souhaite éclaircir une situation, ou contre qui il y a des ressentiments…

Pendant ce travail d’écriture, le patient va devoir s’autoriser à écrire des parties de son inconscient, sans penser au jugement des autres mais également sans auto-jugement.

Il devra aussi intégrer qu’il ne s’agit pas d’un chef d’œuvre, mais plutôt d’un défouloir, d’un confident, d’un meilleur ami. Ainsi, les phrases devront restées simples et libres. Il ne doit en aucun cas réfléchir, raisonner, corriger les fautes d’orthographe ou erreurs de syntaxe. Il n’y aura aucun tabou, le langage cru et direct est autorisé. Il lui suffira d’être sincère et de laisser les émotions venir sans jugement ni contrainte.

Plus les mots négatifs seront justes et forts, plus la purge émotionnelle sera importante.

Selon Horowitz, il est conseillé de relire la lettre après écriture. Cela permettrait une introspection plus profonde.

Ce travail de relecture peut également se faire avec un thérapeute. La mise à distance de l’événement sera d’autant plus grande et la libération émotionnelle sera d’autant plus importante. 

D’autres thérapeutes préconisent de réécrire la lettre avec la seconde main, afin de faire émerger la totalité des émotions, et notamment les plus ambivalentes.

D’autres encore conseillent de noter les émotions de colère, tristesse et autres émotions et de chercher à écrire un message positif qui deviendra une sorte de mantra que le patient pourra relire ou répéter dans les moments difficiles.

Le patient pourra :

– aller directement dire à la personne concernée ce qu’il a à lui dire, ou alors lire à haute voix la lettre face à la photo si la distance ne permet pas de le faire en face à face, ou si la personne est décédée… – l’envoyer symboliquement avec un faux nom et une faux adresse (ex : « aux ministères des grandes injustices ») – la jeter, la ranger, la brûler… ce qui lui semblera juste de faire.

III/ Témoignages et Expériences personnelles

  1. Témoignages de patients

1° Y., 16 ans :

« Écrire lui a permis de dire des choses qu’il ne pouvait pas partager avec les autres. Il a senti que l’écriture libère des tensions qu’il ressentait. Ça lui permet de réfléchir et de pousser plus loin sa réflexion. Ça lui permet d’avoir les idées plus claires, de libérer de l’espace dans son cerveau, et de se vider l’esprit. Il souhaite écrire un livre pour partager ses idées avec un public (qui serait inconnu, donc pas forcément avec son entourage). », propos recueillis par sa mère.

Y. a été hospitalisé en 2019 à la suite d’une dépression et d’une consommation récurrente de cannabis. Le recours a cette drogue lui permettait de calmer son stress (pression scolaire, manque de confiance en lui). Ses thérapeutes lui ont régulièrement conseillé d’écrire. C’est lors du confinement qu’il a réussi à le faire. Sa mère, que je soigne en RSP, m’a également confiée qu’il était plus calme après l’écriture.

2° Émilie, 36 ans :

« Durant cette période de confinement, j’ai principalement écrit pour retranscrire les observations de mes mouvements intérieurs et mon rythme biologique. Cela a aussi été l’occasion de prendre des notes sur des reportages et lectures qui m’ont intéressée.

J’y ai consigné tout ce qui me semblait important, me permettant ainsi d’acquérir une meilleure connaissance de moi-même et de vivre avec une plus grande authenticité.

Cela m’a aussi amenée à réfléchir à ma façon d’être au monde et ainsi vivre dans un meilleur respect de mon environnement (à petite comme grande échelle).

Chaque session d’écrire m’a apportée beaucoup de sérénité, je me sentais plus détendue et légère ; apaisée.

Le fait d’avoir posé des mots sur des choses, qu’elles soient consignées, comme irrévocables, m’a permis de les assimiler, de me sentir plus solide et m’appuyer dessus pour poursuivre mon chemin. »

Émilie n’est pas suivie en RSP, mais lors des soins de masso-kinésithérapie nous avons entamé un travail de réflexion ; travail qui est également fait avec une psychothérapeute et au 13 travers de son cursus de reconversion en Gestalt Thérapie. C’est au cours de nos séances que je lui ai invité à écrire, conseil qu’elle a suivi à l’occasion du confinement.

3° Marie, 57 ans :

« Il ne faut pas que nous gardions jalousement nos richesses comme si elles étaient nôtres mais que nous les prêtions, puisqu’elles nous ont été confiées. », Saint Paulin de Nole. Depuis dix ans déjà des spécialistes cherchent un traitement quant à mes malaises liés à un trouble du rythme. Hormis le facteur “risques sévères”, il y a l’aspect imprévisible et soudain. De plus, la cause précise et l’élément déclencheur s’avèrent tout autant improbables à déterminer. Seules certitudes, le poids de mon “histoire”, la maltraitance, et cette douleur aigüe, qui, à l’inverse des explosions de feu d’un volcan endormi, me poignarde profondément de ses pics à glace.

Comment gérer cet état vertical-actif à celui horizontal-inconscient ?

Comment faire face de jour en jour à cet aléatoire douloureux et périlleux ?

Trop faible pour tenir un téléphone, trop faible pour articuler les mâchoires… alors écrire puisque parler m’est impossible ! Effort gérable au ralenti ou suspendu en pointillé des mots glissant du cerveau jusque par mes doigts sur un clavier…

Écrire c’est aussi se lire : chercher le mot exact, précis donne paradoxalement une vision où, tel un aigle, l’on survole l’étendue qui s’ouvre presque à perte de vue.

Joie et paix, cadeaux merveilleux qui poussent au long de cette quête : partager. »

Marie, photographe, est venue faire une première séance de RSP en mars 2020. Je l’ai invitée à écrire à sa mère en essayant de relater un maximum de détails concernant les maltraitances qu’elle a subi par celle-ci. A cette invitation, elle a ri car son frère venait la veille de lui envoyer un très long mail, où il parlait justement de ces faits.

Elle a beaucoup écrit dans les jours qui ont suivi, notamment à sa mère.

Peu de temps après, cette dernière est décédée. Marie l’a accompagnée dans ses dernières heures. Lors de la séance suivante, elle m’a confiée que sans le travail d’écriture fait en amont, elle n’aurait jamais pu faire cela. Son frère a pris quelques photos que Marie m’a montrée : il y avait un réel amour et une forme de paix dans les gestes et expressions de Marie.

4° Marie, 40ans :

« Quand j’étais petite on m’a offert un journal intime. “Mais pour quoi faire ?” me suis-je demandé. D’autant que très vite, mon frère a brisé le cadenas censé protéger mes pensées, j’ai donc recouru à une ressource connue : tout intérioriser. Soupirs.

A l’adolescence j’ai réessayé, mais quand on est ado tout est caractérisé par un seul adjectif : nul. Ce qu’on vit, ce qu’on écrit. J’ai abandonné le cahier, à nouveau.

A 22 ans, coincée dans une relation malsaine avec un garçon manipulateur, loin de chez moi et de mes amis, je me mets à écrire dans un petit carnet violet. La liste de mes envies pour ce qui était ma nouvelle ville. Dans les 2 semaines qui ont suivi, j’ai plaqué la nouvelle vie, la nouvelle ville et le mauvais garçon. Je n’ai pas vu le rapport à l’époque. J’ai eu une relation épisodique avec ce carnet, et ceux qui ont suivi. Des mois sans écrire. Quelques reprises, de nouveaux abandons. Toujours en résistance. A la place j’envoyais mes idées dans le web, sur un blog qui a depuis longtemps été perdu. Sans archives. Sans recul surtout. “Mais pour quoi faire ?”

A 26 ans un ami meurt. Il avait 30 ans. Je me souviendrai toujours de ces quelques lignes dans un mini-carnet dans lequel je n’ai parlé que de lui, à sa mort et les mois qui ont suivi : “Guillaume est une histoire inachevée. Mais le but de la vie ce n’est pas d’avoir des histoires finies ? Alors quoi, le problème c’est qu’il EST une histoire achevée ?” Réalité en pleine gueule. J’ai arrêté d’écrire peu après. Encore. Pour pas me faire mal cette fois.

30 ans. Conflit au travail. Conflit à l’intérieur de moi-même. Partir ? Rester ? Écrire à nouveau. Encore un nouveau carnet. Comme une consigne de la fin de cette entreprise. Encore une manière de sortir tout ce que je n’arrive plus à intérioriser parce qu’il n’y a plus de place et que j’étouffe. Encore une manière d’y voir clair en étalant tous mes doutes. Juste quelque mois. Prendre une décision. Passer à autre chose. Arrêter d’écrire. Ça, c’est fait.

Je commence à voir le côté libérateur de l’écriture. Mais je ne l’utilise que ponctuellement.

A 34 ans, une lettre à mon père. Écrite une nuit entière après qu’il a été odieux pour la dernière fois. Une nuit entière pour comprendre notre relation. Pour relire mes souvenirs. Pour dire adieu. Une lettre que je n’envoie pas, que personne n’a lue, mais qui m’a permis de comprendre une chose que j’avais eue sous les yeux toute ma vie : mon père, ce gosse, et moi qui fait l’adulte avec 15 lui depuis que j’ai 5 ans. Plus envie, plus facile de ne plus avoir envie, je passe à autre chose, encore. Et je me libère d’un poids, encore. Un gros.

Je suis aussi sous l’adrénaline de ce que cette nuit a éclairé pour toujours. Ma capacité à mettre de l’ordre. À trouver des réponses. À comprendre toute seule, pourvu que je m’applique, ce qu’il se passe à l’intérieur de moi.

6 mois plus tard j’ai un nouveau calepin. J’écris dedans plus fréquemment. Je n’ai pas d’épiphanie à chaque fois, mais je me vide la tête et je m’autorise à faire le tri dans mes pensées. À écrire des trucs bêtes. À poser des questions dont je n’ai probablement pas la réponse là-tout-desuite. Je m’autorise à l’appeler un journal intime. À oublier d’y écrire quelques temps mais à toujours y revenir. Je garde le cap, je mets de l’ordre dans plein de pensées et de sentiments confus, de manière automatique, mais pas active. Parce que je me dis qu’il faut, que quelque chose va bien finir par en sortir.

C’est à 37 ans que j’ai ma plus grosse claque. Je pars en stage de méditation silencieuse pour une semaine. J’ai mon calepin de tous les jours et un calepin dédié aux notes pour me souvenir du stage, des gens, de ce qu’on a fait, de ce que j’ai ressenti. Je me coupe en 2 entre ces 2 carnets mais surtout je m’ouvre et je me déverse, plusieurs fois par jour. J’enchaîne les épiphanies, je m’autorise à ouvrir des portes, des “et si ?”, j’écris, je me vide, je pleure, je continue d’écrire à travers mes larmes.

Je commence à lire à travers les histoires que je me raconte depuis toujours, je relis encore d’autres rapports à ma famille (ma mère, mon frère), pourquoi je ne suis pas comme eux, pourquoi j’ai toujours essayé mais je n’y suis pas arrivée.

Je commence à prendre confiance en qui je suis, qui je veux être et qui je ne veux plus être. Surtout qui je ne veux plus être. Je ne veux plus être celle qui se retient, celle qui se cache, celle qui paraît moins que ce qu’elle est parce que ça risquerait de gêner.

Dans les mois qui suivent, j’ai soif d’apprendre, tout et n’importe quoi, ET JE LE FAIS. Parce que je sais que j’en suis capable. Depuis ce moment je m’autorise à satisfaire toutes mes curiosités. Je me remplis de savoir. J’apprends des langues, j’apprends des instruments (on n’a jamais été des musiciens chez nous, il y a un début à tout). J’apprends à m’écouter.

Je continue d’écrire presque tous les jours depuis. Il passe rarement plus de 4 jours sans que j’y revienne. C’est devenu un réflexe. Même une seule page si je n’ai rien à dire, mais on n’a 16 rarement rien à dire. Ce sont même ces jours-là que c’est le plus intéressant de se décortiquer soimême : pourquoi j’ai fait ça, pensé ça, dit ça, pourquoi je bloque sur telle ou telle chose.

Mon rapport à l’écriture est aussi devenu beaucoup plus proactif. Quand je bloque sur quelque chose justement, il y a un autre cahier. Un cahier A5 que j’avais commencé pour faire des “pages du matin” une méthode de Julia Cameron pour faire de l’écriture automatique (oui j’ai aussi appris à écrire). Et quand je bloque, c’est là que je vais. Et là j’ai toutes les autorisations. Râler, chouiner, écrire mal, parfois illisiblement, mais pour le coup y vomir des choses sur un sujet. Et la magie opère quasi chaque fois : au bout d’une page et demi, une réponse se profile, une solution, une clé de compréhension apparaît. Au bout de 3 pages, je suis au clair.

A 40 ans, je peux dire à la petite fille que j’étais “pour quoi faire un journal” : écrire pour savoir qui on est. Sans se mentir, sans se cacher. Pour s’autoriser à se regarder le nombril parce que c’est précisément fait pour ça, pour se comprendre, pour se connaître, s’accepter. C’est ça “s’épanouir”. »

Je soigne Marie depuis 4 ans pour un problème de genou qui s’est révélé être un problème discal. J’ai suivi Marie avant et après son stage de silence. Ses douleurs d’origine discale se sont améliorées et je l’ai vu s’épanouir. Elle a su se recentrer sur elle, stopper les relations amicales épuisantes, reprendre sa place dans sa famille, remettre gentiment son frère et sa mère à leurs places, parler à son père (décédé)… le tout en restant généreuse comme auparavant. J’ai vu marie devenir Marie !

Elle est toujours bavarde mais plus posée et organisée dans ses propos, comme une forme de recul sur elle-même. Elle est aussi devenue plus douce et patiente avec elle-même. Marie écrit depuis longtemps sans s’en rendre compte : lors de notre première séance, elle était venue avec une longue liste de questions. Inoubliable séance ! Aucun patient ne m’avait posé autant de questions lors d’une première séance. (J’en ris encore.)

Sans le savoir, c’est Marie qui m’a poussée à écrire un peu puis plus régulièrement… et qui est sûrement à l’origine du thème de ce mémoire.

L’écriture nous a révélé à nous-mêmes et nous a libérées de nombreux maux que nous portions. Mille mercis, Marie, pour cette révélation.

1° Écrire, cela semble bien facile

Nous apprenons à écrire dès notre entrée en maternelle, donc cela parait à première vue un exercice simple. Je l’ai pensé, comme beaucoup d’autres. Seulement, avant de coucher des mots sur le papier, il m’a fallu du temps.

Avec l’écriture de ce mémoire, qui est à la fois un travail professionnel mais également thérapeutique, j’ai découvert que je mettais en place des processus pour retarder ce travail intérieur. En effet, j’ai procrastiné : « je m’y mets ce week-end », puis le confirment est arrivé, « le confinement est un temps hors temps, donc hors de question de travailler ». Mais ce n’était pas le plus important. Avec le recul, j’ai compris que j’ai souffert d’anxiété de l’évaluation : « ça va être nul, inintéressant, mais pourquoi j’ai pris ce sujet, je n’ai rien à dire, tout a déjà été dit sûrement, je vais être ennuyeuse » … L’appréhension est liée à l’estime de soi. Et bien que cette estime de soi ait énormément changé en quasiment 2 ans de formation, j’ai découvert qu’elle n’était pas complète, et que c’est certainement cela qui me freine encore aujourd’hui à diffuser mes idées au travers de livres, textes, blogs ou je ne sais encore quelle forme tout cela prendra.

2° La relation à ma mère partie non rendue publique

3° Un adieu partie non rendue publique.

4° Cervicalgies récurrentes

Depuis au moins quatre ans, tous les ans à la même date, je me réveillais avec une cervicalgie. Je n’avais pas prêté attention à cette redondance, jusqu’à ce que mon ostéopathe me fasse la réflexion : « l’année dernière vous êtes venue quasiment jour pour jour pour la même chose ». Jusqu’à ce jour, je ne me souvenais absolument pas de la date à laquelle [événement non rendu publique] par deux fois dans le même week-end. Avril, mai, juin ? J’étais incapable de le dire et encore aujourd’hui je ne m’en souviens pas.

Le jour où mon ostéopathe m’a fait ce retour, j’ai pris le temps d’écrire sur cet événement, tout en m’interrogeant sur la cause des mes cervicalgies en essayant de faire le lien ou non avec cet événement, puisque ma mémoire me fait défaut. Dans ce texte que j’ai gardé, je parle du cri intérieur que je n’ai pas pu exprimer sur le moment tant la peur était là, mais que mon corps a exprimé et intégré, et qui ressort à chaque « anniversaire ».

Cette date est autour du 20 avril et pendant le confinement je me suis réveillée de nouveau avec une cervicalgie. J’ai utilisé les techniques de RSP pour me libérer. L’émotion qui ressortait était « c’est ma faute si je n’ai pas la force de m’exprimer » (P3+V4E). J’ai pleuré de trouver cette émotion, comme si mon corps arrivait enfin à communiquer avec moi. Seulement, le lendemain, je n’étais toujours pas libérée de cette douleur. J’ai alors décidé d’écrire sur mon sentiment de culpabilité, comme si j’étais responsable de cet événement, de son acte mais également sur mon sentiment de culpabilité de ne pas avoir réussi à en parler pendant de nombreuses semaines, d’avoir mis du temps à réagir, d’avoir fait semblant pendant trop longtemps. J’ai terminé cet écrit par une phrase positive « je suis responsable seulement de mes propres actes et seulement des miens ». Dans les heures qui ont suivi cette rédaction, deux de mes cervicales ont craqué lorsque j’ai tourné la tête dans un geste tout à fait banal. La cervicalgie 2020 était finie.

Je verrai en 2021 si cela est définitivement derrière moi ou si d’autres émotions se cachent encore.

(Écrit rendu publique en juillet 2021. J’appréhendais énormément la date du 20 avril, je la voyais se profiler … et contre toute attente je n’ai pas souffert de mes cervicales. Il semblerait que je me sois définitivement libérée de cet événement datant de 2013. Hallelujah !)

Conclusion

Au travers de nombreuses recherches, il a été démontré que, par le travail d’écriture expressive, le patient va participer à la propre libération de ses émotions inhibées responsables à moyen terme de pathologies et/ ou comportements physiques et psychiques. Il va devoir accepter qu’il ne redevienne jamais la personne antérieure (Cf. Annexe 5), mais va seulement se délester de son fardeau, c’est : la libération émotionnelle par l’écriture.

Lors du premier confinement 2020, une étude, réalisée par Harris Interactive (société d’études marketing et de sondages d’opinion), a montré que 10% des Français avaient entamé un travail d’écriture. Cela vient confirmer que l’écriture est un défouloir émotionnel, un besoin de se libérer de pensées parasites, une certaine mise à distance des événements, de se réapproprier son histoire et d’échapper à une certaine souffrance psychique, notamment dans des moments de vie difficiles à vivre, à s’approprier, à comprendre…

Lors de notre pratique en RSP, nous conseillons aux patients d’écrire lorsque l’élément métal ressort majoritairement. Finalement, on se rend compte que l’écriture sert à exprimer toutes les émotions liées à des événements vécus comme perturbants ou traumatisants. Nous pourrions donc le conseiller en plus des autres exercices pour les autres éléments : eau, terre, feu, bois, et proposer un exercice complémentaire pour le métal à la séance suivante, si la rédaction a eu lieu. En effet, lors de la séance suivante, si le patient accepte, après l’avoir placé en situation de détente, il pourrait le relire avec lui à haute voix. Pendant cette lecture, il pourrait nous indiquer s’il remarque des sensations corporelles à l’annonce de certains mots. Ainsi, nous pourrions aller chercher, dans la zone annoncée, l’émotion réelle qui s’est exprimée et la traiter en RSP, afin d’aider le patient à optimiser son travail d’écriture expressive et obtenir la libération la plus complète possible.

Qui sait mieux que le corps, l’émotion qui est associée à la sensation ? Il serait alors possible, peut-être, d’éliminer les éléments parasites, tels que certaines appréhensions, le manque de vocabulaire, pendant l’écriture et aider à affiner parfaitement la prise de conscience et donc la mise à distance de l’événement.

« Telle une douce thérapie, l’écriture soulage, cicatrise, et guéri. », J.O.Wembo.

Annexes

1 – CONSIGNE DONNÉE PAR PENNEBAKER EN 1997

« Pendant les trois prochains jours, j’aimerais que vous évoquiez vos pensées et sentiments les plus profonds à propos d’un événement traumatique qui, dans votre vie, vous a vivement affecté. Dans votre écrit, j’aimerais beaucoup que vous vous laissiez aller et que vous exploriez vos émotions et vos pensées les plus profondes. Vous pourrez vous attacher dans votre sujet à évoquer vos relations avec les autres, en incluant vos parents, vos amours, vos amis. Vous pourrez aussi évoquer tout ce qui est relatif à cet événement : votre passé, votre présent ou votre avenir. Vous pourrez aussi vous exprimer sur qui vous avez été, qui vous aimeriez être, ou qui vous êtes maintenant. Vous pouvez écrire sur le même problème, le même événement tous les jours ou bien écrire sur différentes expeé riences chaque jour. La plupart d’entre nous n’ont pas connu qu’un seul trauma. Tous, nous avons rencontré de graves conflits ou de gros stress, vous pouvez écrire à ce sujet si vous le souhaitez. Tout ce que vous écrirez sera totalement confidentiel. Quand vous écrivez, ne vous inquiétez pas au sujet de la formulation, de la structure des phrases, de la grammaire, de l’orthographe ou de la ponctuation. La seule règle est qu’une fois que vous commencez à écrire, vous continuerez jusqu’à ce que le temps imparti soit écoulé. »

Écrire pour se libérer car si les paroles s’envolent, les écrits eux restent. Écrire pour se mettre en accord avec soi-même par rapport à quelqu’un ou à une situation. Écrire lorsque l’on se sent prêt et que l’on en éprouve le besoin, l’envie. Écrire sans se censurer pour ne pas tricher avec soi-même. Réécrire lorsque l’on en a envie. Relire, corriger, modifier un mot, une phrase… Réécrire autant de fois que nécessaire : à chaque fois l’intensité de la souffrance s’atténuera. Écrire jusqu’à être en accord avec chacun des mots. Écrire jusqu’à être en accord avec soi-même. Écrire jusqu’à être en paix avec soi-même, l’autre, l’événement… Écrire jusqu’à la jeter, la brûler, inviter l’autre au dialogue, lui adresser la lettre… « Telle une douce thérapie, l’écriture soulage, cicatrise, et guéri. », J.O.Wembo.

A votre belle plume !

EXTRAIT DE « LA NUIT, J’ÉCRIRAI DES SOLEILS », DE BORIS CYRULNIK «

Pourtant l’écriture n’est pas une thérapeutique. L’auteur a souffert de son malheur, il ne redeviendra jamais, comme avant. Le travail de l’écriture l’aide plutôt à métamorphoser sa souffrance. Avant, j’étais dans la brume comme une âme errante, là ou ailleurs, sans savoir où aller, sans comprendre. Depuis que j’ai écrit, je me suis mis au clair, je ne suis plus seul, j’ai repris une direction, mais je ne suis pas guéri, je ne redeviendrai jamais comme avant puisque ma blessure dans mon corps, dans mon âme et dans mon histoire. Mon malheur charpente ma personnalité. Tout ce que je perçois, les objets, les lieux, les maisons, les raisons, sont référés au malheur passé, mais je n’en souffre plus. Puisque j’ai trouvé un sens, mon monde intime a pris une autre direction. Depuis que j’ai écrit mon malheur, je le vois autrement : « Aux effets de la symbolisation et de trace qui sont plus forts dans l’acte d’écrire que dans celui de parler, il faut ajouter les bénéfices secondaires de prise de recul, d’apaisement et de reconnaissance. »

Quand le malheur entre par effraction dans le psychisme, il n’en sort plus. Mais le travail d’écriture métamorphose la blessure grâce à l’artisanat des mots, des règles de grammaire et de l’intention de faire une phrase à partager. L’objet écrit est observable, extérieur à soi-même, plus facile à comprendre. On maîtrise l’émotion quand elle ne s’empare plus de la conscience. En état soumis au regard des autres, l’objet écrit prend l’effet d’un médiateur. Je ne suis plus seul au monde, les autres savent, je leur ai fait savoir. En écrivant j’ai raccommodé mon moi déchiré ; dans l