Vincent Giraud – Kinésithérapeute
A – Généralités
1 – Définitions
Vertiges : illusion sensorielle sous l’influence de laquelle le patient croît que lui-même, ou la scène visuelle qui l’entoure, est animé d’un mouvement giratoire ou oscillant. Les vertiges se rapportent à un trouble de l’oreille interne.
Instabilité : perte d’équilibre sans raison apparente. Les examens spécialisés montrent en général des troubles dans l’un au moins des systèmes d’équilibration ou dans l’intégration centrale des informations apportées par ces systèmes. Le plus souvent, les patients instables ne montrent pas de différence de réactivité vestibulaire.
2 – Physiologie du déséquilibre
L’équilibre de « l’homme debout » est la résultante de la régulation du tonus musculaire du sujet en fonction de son activité, de ses intentions de mouvement, et des contraintes physiques qui s’appliquent à lui.
Trois grands systèmes sont mis en jeu : – la somesthésie – le vestibule – la vue
La somesthésie est l’ensemble des sensibilités corporelles qui permet d’adapter le tonus d’équilibration aux conditions extérieures.
Le système vestibulaire permet de capter tous les mouvements de la tête ainsi que les accélérations et d’avoir une notion de la verticale. C’est un système inconscient qui régule le tonus d’équilibration par rapport au sujet lui-même.
Le système visuel permet d’appréhender l’extérieur et donc d’anticiper. Les yeux ne sont pas véritablement des organes de l’équilibre mais des catalyseurs ou des compensations des deux systèmes précédents. Il s’agit d’un système conscient.
Si un dysfonctionnement survient sur les vestibules, ce sont des vertiges qui naissent. S’il survient sur l’un des autres systèmes, ou sur deux des trois systèmes, ce sont des instabilités qui apparaissent.
La hiérarchie entre ces trois systèmes peut également poser problème. Pour que tout se passe bien, le vestibule doit être prioritaire sur la vue tandis que la proprioception fonctionne en marge pour l’adaptation fine au terrain.
3 – Protocole d’urgence
Ecoute palpatoire de la zone cervico-dorsale et crânienne et ressenti d’une perturbation.
- corpusculaire et vibratoire > correction tissulaire
- émotionnelle > décryptage de la perturbation et correction sensorielle
Si le patient fait écho au message décrypté, j’essaie de l’aider en lui suggérant de se demander pourquoi il a agi ainsi. Il pourra ensuite mieux comprendre son fonctionnement. Il pourra de la sorte atténuer ses sentiments de mal être ou de culpabilité.
4 – Difficultés de réalisation
La RSP ne faisait pas partie de ma pratique professionnelle. Mes habitudes de travail ont toujours été orientées vers de la technicité reconnue, comme l’ostéopathie. Dans le cadre de la rééducation vestibulaire, les grands principes sont validés scientifiquement par les pères de l’otoneurologie. Même s’il faut un peu de nez pour identifier le désordre en question afin d’orienter la rééducation, il y a des passages obligatoires qui empruntent des protocoles de soins.
Deux catégories de patients se dessinent :
- Ceux qui ont suivi un parcours de soins très médicalisé qui les amènent au cabinet à la suite de plusieurs examens spécifiques (IRM,VNG,PEA,PEO)
- Ceux envoyés par leur généraliste ou par leur voisin en s’appuyant sur la réputation du cabinet.
Les premiers attendent un acte médical, les seconds espèrent un miracle. Il n’est pas toujours facile de convaincre qu’un acte reconnu puisse être complété par un autre, moins concret et plus personnalisé.
Je pense à une patiente atteinte de vertiges rotatoires et de plusieurs troubles organiques et psychiques, qui m’a d’emblée affirmé que ses problèmes ne pouvaient être que médicaux car elle avait déjà consulté un psychiatre qui n’avait obtenu aucun résultat. Une sorte de défi pour la médecine en quelque sorte. Evidemment, je ne me suis pas aventuré dans un traitement RSP et je me suis contenté d’un traitement physique.
5 – Techniques de rééducation
Sans entrer dans le détail, les principaux outils de rééducation sont :
- Le fauteuil rotatoire utilisé pour symétriser le reflexe vestibulaire
- L’opto-cinétique utilisé pour augmenter la part de contrôle vestibulaire par rapport à la part visuelle. Cela permet aussi d’augmenter les entrées somesthésiques par le jeu de la déstabilisation corporelle.
- Des exercices de fixation visuelle pour dissocier les réflexes cervicaux oculaires et vestibulo-oculaires.
- Des exercices d’équilibration pour stimuler la proprioception.
- De la thérapie manuelle pour permettre aux capteurs musculo squelettiques de fonctionner dans de bonnes conditions.
L’ensemble de ces techniques, mis à part la dernière, sont chiffrables ou tout au moins quantifiables et donc reproductibles et comparables dans le temps. Cela permet de mesurer l’évolution du patient tout au long de la rééducation.
B – Projet d’étude
Mon intention de départ était simple :
- établir un bilan de l’équilibre et de la fonction vestibulaire a des patients se plaignant d’instabilité ou de vertiges
- réaliser une ou plusieurs séances de RSP
- constater les résultats sur l’évolution des symptômes au travers d’un second bilan.
1 – mise en oeuvre
Je travaille avec le protocole d’urgence, ou localisé, appelé ainsi parce que la zone d’écoute palpatoire est limitée à la région cervico-crânienne et dorsale haute. Si je détecte une perturbation en corpusculaire ou vibratoire, je corrige en tissulaire. S’il s’agit d’une émotion, je la corrige en sensoriel et j’essaye, une fois décryptée, de rendre au patient un message clair. Je lui explique comment les émotions refoulées peuvent ressurgir sous forme de mal être ou de lésions corporelles. Je l’informe de son intérêt à les y identifier puis de les accepter pour enrayer leur expression psychosomatique. Si le patient est d’accord, j’effectue le bilan et la suite telle que je l’ai présentée au paragraphe B.
2 – Résultats
Chez les patients atteints de pathologies vestibulaires avérées, les séances de RSP n’ont jamais modifié les tests effectués dans les bilans. Par contre, le fait de mieux comprendre leur maladie les a aidés à l’accepter et donc à mieux la vivre.
Monsieur B. est atteint d’un syndrome de Ménière. Les perturbations les plus parlantes sont : P4+ AP2 en Terre et P3+ SU en Métal. Je les transcris de la manière suivante : « je suis déçu de ne pas arriver à exister, ni à marquer mon territoire ». Une fois le message décrypté, il me répond qu’il est au service de tous et qui n’a pas de place pour lui-même ni au milieu de sa famille, ni dans son cadre professionnel, ni dans son rôle de professeur de chant dans une chorale. Ce message lui permet de prendre conscience et de comprendre son schéma perturbateur. Il va très rapidement décider de modifier son mode de vie : déléguer professionnellement et trouver un suppléant à la chorale. Les crises de vertiges se sont espacés et ont diminué en intensité.
Chez les patients atteints de troubles plus diffus pour lesquels le diagnostic n’est pas clairement posé, les tests ont parfois évolué. Par contre les symptômes ont régressé de façon notoire avec entre autre un cas de sédation complète des vertiges laissant des cervicalgies que le patient ne semble pas prêt à résoudre. Je pense que cette personne aura du mal à « lâcher ces séances ».
Il est même arrivé un cas surprenant. Madame C. est invalidée par des instabilités importantes. Au bout de quelques séances, nous ne notions aucun progrès. Elle m’a alors livré, lors d’une conversation, que ses problèmes étaient survenus le lendemain du dernier contact qu’elle avait eu avec son fils. Il lui avait dit, ce jour là, qu’elle pouvait le considérer comme mort. Mais selon elle, ces deux événements ne pouvaient en être en relation. Et pourtant, dès la séance suivante, son état s’est mis à évoluer positivement.
C – Conclusions
La RSP n’est pas une technique universelle. Elle ne peut pas agir sur les lésions structurelles comme dans le cas du Ménière par exemple. Cependant, elle permet d’améliorer le véhicule de la maladie et désactiver le générateur des symptômes. La maladie continue de s’exprimer mais n’est plus sans cesse alimentée.
Les instabilités ou vertiges ne correspondant pas à une pathologie reconnue sont certainement moins évoluées. Le stade de la lésion physique n’est pas encore atteint et la RSP semble plus efficace par son approche globale des symptômes.
J’ai pu constater parfois que le décryptage du message et de son rendu au patient suffit à débloquer le nœud du problème comme dans le cas de Madame C. Elle n’était pourtant pas prête pour la RSP et aucune écoute palpatoire ou correction tissulaire ou sensorielle n’avait été effectuée.
D’une façon générale, je me rends compte que les vertiges ou instabilités sont issus de problèmes profonds (existentiels ou idéaux) et souvent anciens comme les présente la RSP lors de la formation (la vie qui vacille). Je vais poursuivre dans cette voie pour enrichir ma palette thérapeutique, me doter d’outils performants, et répondre au mieux à l’attente de mes patients
La RSP ne peut pas remplacer la rééducation vestibulaire mais la compléter pour débloquer les systèmes d’intégration neurologique. Il me faut, de plus, accepter de ne pas pouvoir aider tout le monde. Les patients qui se bornent à tout attendre des autres ne parviennent pas à progresser vers un mieux-être. Il faut qu’ils acceptent de trouver une solution en eux.
Pour finir, il me faudra un peu de temps pour maîtriser la RSP et la pratiquer à « ma sauce ». Je pense avoir évolué dans ma compréhension de l’humain de moi-même grâce à cette formation. Merci à André et à Bernard pour leurs recherches et leur volonté de transmettre.